Depuis quelques mois, l’hiver s’est bien ancré dans chaque recoin des vallées de cette région abrupte du canton d’Uri. La rudesse du climat, le manque de chaleur et de lumière sapent petit à petit le moral des gens. Leur vie est calme, intérieure, un poêle ou un feu de cheminée, une lampe réchauffent tant bien que mal les corps et les esprits. Mais cohabitent l’inquiétude, car dehors règne la menace entre neige, vent et pénombre. Depuis toujours les saisons rythment les vies et celle de l’hiver est particulièrement crainte. La mort est davantage présente à ce moment-là de l’année. Une résilience silencieuse accompagne les habitants et finalement, quand pointe le bout de l’hiver celle-ci se transforme en bruit, comme une révolte contre l’ordre établi par la nature, comme une supplication et un cri d’espoir et de ralliement. L’exutoire vient sous la forme du carnaval.
Ainsi en allait-il jusqu’au début du vingtième siècle. La tradition perdure malgré les changements significatifs de la vie quotidienne. Chaque mois de février, des groupes de personnes masquées défilent en cortège dans les rues des villages. C’est le moment, c’est le temps d’en finir avec l’hiver. Une sorte de folie s’empare des gens, déguisés, arborant masques et habits étranges, armés de trompettes et de tambours ; ils font résonner les villages et les vallées, exorcisant l’hiver, la peur, la solitude et de par la même ouvrant le chemin au renouveau de la vie à l’instar de cet arbre nous offrant ses premières fleurs.
Le travail de Nathalie Bissig est fortement influencé par la culture populaire de sa région d’origine. Photographe documentaire à l’origine, elle a acquit au fil des ans son propre répertoire de formes qui, outre la photographie mise en scène, comprend également des dessins et des objets qu’elle tisse de manière toujours nouvelle
en un cosmos singulier dans chacune de ses expositions.
Comme l’écho des trompettes et des tambours qui parviennent de l’extérieur vers l’intérieur, ses travaux sont un écho de ce qu’elle voit au quotidien et qu’elle imagine librement pour en faire quelque chose de nouveau et de propre à elle.
L’exposition « Un écho depuis les vallées abruptes » à l’Espace Jörg Brockmann présente des dessins, des photographies et des objets consacrés au sentiment de février, à la fin de l’hiver. Ils sont une confrontation avec la dureté de la saison froide et une tentative d’y opposer quelque chose.
Text: Jörg Brockmann